IEO Nouvelle-Calédonie : rapport 1er trimestre 2021

Par Didier Rémy,le28 juin 2021,dans Divers
IEO Nouvelle-Calédonie : rapport 1er trimestre 2021
L’Institut d’émission d’outre-mer (IEOM) a rendu public son rapport sur la conjoncture économique des quatre premiers mois de l’année 2021. Sans surprise, le bilan est mauvais. Et une vague d’incertitudes continue de plomber le climat des affaires en Calédonie. Quelques espoirs sont pourtant permis.

Difficultés et incertitudes. Soit le passé et le présent. C’est ce qui résume la dernière publication de l’IEOM sur la situation économique de la Calédonie au premier trimestre 2021. Les difficultés rencontrées par les Calédoniens se traduisent en chiffre, faisant de ces quatre premiers mois de l’année 2021 l’une des pires périodes qu’ait connue le territoire.

Nickel en berne en début d’année

« Un arrêt forcé de l’usine du Sud qui s’est accompagné de la mise au chômage partiel des salariés et sous-traitants et d’un écroulement de la production et des exportations de nickel sur le trimestre, indique l’institut.Les exportations diminuent de 56,1 % en volume pour s’établir à 1 203 milliers de tonnes humide pour le trimestre. En valeur, les exportations diminuent de 28,9 % en rythme trimestriel et de 26,4 % en rythme annuel, alors même que les cours du nickel sont au plus haut. »

La production métallurgique se contracte de 32,4 % au premier trimestre par rapport au trimestre précédent et de 46,2 % en glissement annuel. Cela s’explique en premier lieu par l’interruption presque totale de la production de NHC (-99,2 %), liée à la mise à l’arrêt de l’usine du Sud à partir du 10 décembre 2020. Dans une moindre mesure, cela s’explique aussi par le recul de la production de ferronickel (-11,8 % par rapport au trimestre précédent et – 26,2 % en glissement annuel) lié à la baisse sensible de l’extraction de minerai et à la mise en maintenance d’un des fours de l’usine du Nord.

Un BTP historiquement faible

« En difficulté depuis plusieurs années, le secteur du BTP n’entrevoit pas d’amélioration »,confirme l’IEOM. Si des disparités existent entre les différents corps de métier (le gros œuvre et les travaux publics éprouvent plus de difficultés que le second œuvre et la rénovation ainsi que la réhabilitation), le courant d’affaires global apparaît insuffisant. Durant les quatre premiers mois de l’année, les dirigeants du secteur continuent de porter un jugement très défavorable sur leur niveau d’activité. Ils sont près de 60 % à faire état d’une baisse de chiffre d’affaires par rapport au premier trimestre 2020.

La consommation de ciment – qui permet également d’évaluer approximativement le niveau d’activité du secteur – se stabilise (17 700 tonnes) à un niveau historiquement faible.

Confinement et coup d’arrêt de la consommation

Alors qu’elle avait su se relever de la crise sanitaire en 2020, la consommation des ménages tend à devenir de plus en plus fragile à mesure que les dispositifs de soutien s’essoufflent et que les pertes de revenus liées au chômage partiel et à la baisse de l’emploi salarié privé se diffusent dans le circuit économique.

Au premier trimestre 2021, le confinement a induit sur un mois une baisse de l’ordre de 30 % des paiements par carte et des versements de billets au guichet de l’IEOM.

« En parallèle, les immatriculations de véhicules neufs pour les particuliers sont en baisse de 10,8 % sur le trimestre, atteignant leur plus faible niveau depuis le premier trimestre 1997. En outre, la production de crédits à la consommation qui avait accompagné le regain de consommation constaté au sortir du premier confinement est désormais moins bien orientée (-8 % sur trois mois et -10,8 % sur un an). »

Les inquiétudes des chefs d’entreprise restent très fortes.

Selon l’enquête de l’IEOM, 30 % d’entre eux craignent une défaillance de leur entreprise dans les 12 mois.

Pour autant, à ce stade, cette fragilité accrue ne se matérialise pas par une hausse des défaillances des entreprises (-29 % sur un trimestre) qui s’établissent à 71 au premier trimestre (soit un niveau en deçà de la moyenne observée depuis 2014).

Ce qui peut s’expliquer par l’efficacité des dispositifs de soutien mis en œuvre pour répondre à la crise.

Le BTP, déjà au ralenti depuis ces dernières années, est à présent historiquement faible. Photo Thierry Perron

Des perspectives positives mais encore incertaines

Antonin Beurrier lors de la présentation du projet Lucy, le 17 juin.

Les chefs d’entreprises interrogés par l’IEOM portent un jugement toujours défavorable sur leurs perspectives d’investissements. Une entreprise sur deux anticipe une baisse de ses investissements tandis que moins de deux sur dix prévoient une hausse. Pour autant, si le niveau d’investissement faiblit progressivement, il ne montre pas encore de signe d’effondrement. La production de crédits d’équipement aux entreprises, qui enregistre un recul de 4 milliards (-39,7 %) par rapport au quatrième trimestre 2020 (qui était relativement élevé), reste supérieure à son niveau d’un an auparavant (+1 mds, soit +20,7 %).

« L’absence d’un gouvernement de plein exercice constitue un frein à la visibilité et à la confiance. »

Clairement, l’approche du référendum qui sera organisé le 12 décembre, la démission du 16egouvernement, suivi d’une absence d’accord concernant l’élection du nouveau président et donc de la mise en place d’un gouvernement de plein exercice« constituent des freins à la visibilité et à la confiance des acteurs économiques ».

Néanmoins l’indicateur du climat des affaires (ICA) est remonté de 6,2 points au premier trimestre 2021. Des chiffres à relativiser tant cet indicateur avait chuté au dernier trimestre 2020.« À 92,6, l’indicateur reste à un niveau relativement faible, reflétant un environnement économique fragile et plutôt dégradé,indique l’IEOM.La remontée de l’ICA reflète donc essentiellement l’anticipation d’une amélioration pour le second trimestre (5,6 points sur la hausse de 6,2), qui s’appuie sur la sortie du confinement interne et sur la signature d’un accord pour la reprise de l’usine du Sud. »

Timide regain de confiance ?

La poursuite de cette amélioration, à ce stade plutôt technique, pourrait être soutenue par le lancement du projet Lucy de l’usine du Sud. Prony Resources a officialisé le lancement du chantier de son nouveau système de gestion des résidus, le 16 juin. Basé sur l’assèchement des boues, Lucy offre au moins dix années de stockage supplémentaires. Longtemps estimé à 50 milliards de francs, le montant de l’investissement est désormais annoncé à 35 milliards. Au plus fort de la construction, en août 2022, le chantier emploiera 580 personnes,« avec une utilisation maximale de la main-d’œuvre locale »indique Antonin Beurrier, soit« plus de 75 % »des travailleurs. Une fois les travaux terminés, Lucy nécessitera« 200 emplois permanents », internes ou sous-traités, dont 80 au sein de l’usine de déshydratation et 120 pour la manutention des boues asséchées.

Les indicateurs de confiance portant sur l’activité et les effectifs futurs s’améliorent ainsi assez nettement. Les secteurs du tourisme, impactés par le prolongement du confinement externe jusqu’à fin octobre, et du BTP, font toutefois toujours exception.

De l’espoir donc qui n’est pas synonyme d’un retour total à la confiance.« Les chefs d’entreprise ont revu à la baisse leurs prévisions de croissance de chiffre d’affaires pour 2021, passant de quasiment stable à -6 % en moyenne, les divergences par secteurs étant particulièrement importantes ».

« Une économie en difficulté, dont la croissance s’érode et dont les marges de manœuvre s’épuisent. »

Yann Caron, directeur de l’IEOM de Nouméa.

Tourisme.

La fermeture des frontières a été prolongée jusqu’au 31 octobre. Au 1ertrimestre, le tourisme des résidents a été pénalisé par le confinement. 70 % des entreprises déclarent une baisse de plus de 5 % de leur chiffre d’affaires comparativement à la même période en 2020.

Exception chinoise.

Dans le monde, c’est l’économie chinoise qui se porte le mieux avec une envolée de la croissance à 8,4 % en 2021.

Dans la région

Australie

L’économie australienne continue à se redresser au premier trimestre 2021, avec une croissance plus forte que prévu (+1,8 % sur le trimestre, et +1,1 % en rythme annuel), tirée par un regain de confiance des consommateurs et des entreprises depuis fin 2020 suite à la levée des restrictions sanitaires. L’Australie bénéficie par ailleurs de la bonne tenue de la demande mondiale en matières premières. Dans son budget 2021-2022, le gouvernement prévoit des baisses d’impôts et des mesures d’accompagnements aux secteurs touchés par la crise sanitaire.

Nouvelle-Zélande

Côté néo-zélandais, l’OCDE prévoit une croissance de 3,5 % en 2021 et de 3,8 % en 2022 grâce à une solide consommation des ménages, une augmentation des investissements dans les infrastructures et une augmentation progressive du tourisme à mesure que les frontières rouvrent. Au contraire, dans les Iles Pacifiques très sensibles au tourisme, telles que les Iles Fidji, ou encore les Iles Cook, l’impact de la crise reste significatif dans un contexte d’incertitude de réouverture.

Japon

Au Japon, le PIB se contracte de 1,3 % au premier trimestre 2021, mettant un coup d’arrêt au début de reprise enregistré durant la seconde partie de l’année 2020. L’aggravation de la crise sanitaire et le retour de l’état d’urgence dans plusieurs départements du pays durant le trimestre ont fait chuter la consommation. Les perspectives restent mal orientées puisqu’en réponse à une nouvelle vague du Covid-19, des mesures de protection ont de nouveau été mises en place en avril.

Source : Les Nouvelles Calédoniennes

Jean-Frédéric Gallo | Crée le 27.06.2021 à 14h46 | Mis à jour le 27.06.2021 à 19h49

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