
Synthèse
En 2018, le manque de visibilité affecte l’économie calédonienne
En 2018, l’économie calédonienne fait face à un contexte particulier, marqué par l’inquiétude et la difficulté à se projeter dans l’avenir. Aux incertitudes institutionnelles liées au referendum d’autodétermination, se sont ajoutées des tensions sociales dans le secteur nickel, qui subissait par ailleurs un cours incertain et volatile (+26 % en moyenne sur l’année, mais -28 % au 2nd semestre), mais aussi l’appréhension liée à la mise en place de la Taxe Générale sur la Consommation (TGC). L’année 2018 est ainsi scindée en deux parties, avec un 1er semestre plutôt favorable, puis une rupture au 3e trimestre. Dans ce contexte, l’indicateur du climat des affaires (ICA) s’établit à 87,5 en moyenne sur l’année, soit un niveau éloigné de sa moyenne de longue période traduisant une conjoncture économique morose et fébrile.
À +1,3 % de croissance en moyenne en 2018, l’inflation globale évolue à un rythme similaire à celui de 2017 (+1,4 %). L’année 2018 est caractérisée par une forte volatilité, avec un point bas à +0,3 % (juin 2018), suivi d’un point haut à +2,1 % (octobre 2018). L’évolution globale est largement tirée par des hausses de prix exogènes, principalement dans l’énergie (+3,4 % en moyenne), et dans le tabac (+32,0 % en moyenne).
La consommation des ménages reste plutôt morose en 2018, dans un contexte de stagnation de la croissance de l’emploi et d’incertitudes politiques et économiques. La valeur des importations de biens de consommation baisse légèrement par rapport à 2017 (-0,7 %), dont -1,0 % pour les biens non durables. En revanche, la faiblesse de l’inflation (hors tabac) couplée à l’environnement des taux d’intérêt historiquement bas, apportent un peu de soutien en faveur de la consommation. L’encours des crédits à la consommation des ménages affiche un regain de dynamisme (+2,7 % fin 2018 contre +0,5 % en fin 2017).
Dans ce contexte, le secteur privé continue de perdre des emplois salariés, avec une baisse de 0,2 % en moyenne sur les trois premiers trimestres de l’année 2018 (dernières données disponibles) par rapport à la moyenne de l’année 2017. Le secteur le plus touché reste celui de la construction avec -3,2 % en moyenne en 2018 et -9,0 % depuis 2015. Avec une croissance moyenne de +0,7 % sur les trois trimestres 2018 par rapport à l’année précédente, le secteur public continue de contribuer positivement à l’emploi salarié. Au total, l’emploi salarié est quasi stagnant sur les trois premiers trimestres de l’année 2018 (+0,1 %).
Les échanges commerciaux avec l’extérieur restent dynamiques en 2018 qui constitue une nouvelle année record pour les exportations (+19 % en valeur), en lien avec la remontée des cours du nickel. Les exportations de minerai de nickel sont particulièrement soutenues, avec une hausse de 16,1 % en valeur et 4,1 % en volume. Les importations progressent également plus rapidement qu’en 2017 (+7,5 %), tirées par l’accroissement en valeur des importations des produits énergétiques (+30,0 %). Le déficit se réduit et passe sous les 100 milliards de F CFP en 2018 (-88 milliards de F CFP). Le taux de couverture s’améliore de 7 points et atteint un point haut à 69 %. Cette performance garantit une contribution positive du commerce extérieur à la croissance de l’économie en 2018.
La situation des finances publiques reste tendue : après une baisse notable en 2017 (-2,8 %), les recettes fiscales perçues en 2018 retrouvent leur niveau de 2016. Elles s’élèvent cette année à 184 milliards de F CFP, soit une hausse de 3,0 %. Néanmoins cette hausse s’explique en grande partie par l’augmentation des taxes sur les alcools et tabac. Les impôts indirects restent plutôt stables et il est trop tôt pour juger de l’impact de la TGC sur les recettes. De ce fait, le budget de reversement augmente sensiblement (+15,9 %) alors que les recettes du budget de répartitions qui détermine les dotations aux collectivités continuent de baisser en 2018 (-3,9 %).
Des évolutions sectorielles globalement défavorables
Sur le plan local, le secteur métallurgique se heurte à des difficultés (couts énergétiques trop importants, conflits sociaux et dégradations sur certains sites miniers) pour réaliser les gains de productivité indispensables au rétablissement d’équilibres financiers soutenables. Face à un cours du nickel en hausse (5,95 $/lb en moyenne en 2018), mais bien loin de son point le plus haut (9,5 $/lb de 2005-2015), les opérateurs sont poussés à repenser les modèles économiques en œuvre. La SLN souhaite ainsi faire évoluer son cœur de métier, la métallurgie, en développant en parallèle son activité d’exportation de minerai. Malgré ces difficultés, la production des opérateurs calédoniens n’a globalement jamais été aussi importante qu’en 2018, tant sur l’extraction minière que de la métallurgie, dont la production annuelle atteint de nouveaux records. Une production dont 58,7 % sont destinés à alimenter les usines locales, le reste étant exporté, notamment vers l’usine « offshore » de Corée du Sud. En raison principalement de la montée en puissance de l’usine du Nord, la production métallurgique croît sur un rythme légèrement supérieur à celui de 2017 (+3,6 % après +2,9 % en 2017). Parallèlement, la production de cobalt enregistre un recul (-27,8 % par rapport à 2017), impliquant également un repli du volume d’exportations (-23,9 %), dans un contexte de dégradation du marché international et de baisse des cours sur la seconde partie de l’année (-39,0 % entre avril et décembre 2018).
Indicateur de l’activité dans le secteur du BTP, la consommation de ciment est en recul de 17,5 % par rapport à 2017, et atteint son niveau le plus bas depuis 1997. Confirmant ce contexte de ralentissement, l’opinion des entrepreneurs interrogés par l’IEOM concernant leur courant d’affaires s’est graduellement dégradée dans l’année pour atteindre au 4e trimestre un point bas historique. Les professionnels du secteur sont de plus en plus nombreux à déclarer avoir des difficultés à pérenniser leur activité, déplorant des carnets de commandes vides et une diminution des mises en chantiers (notamment issues de la commande publique).
Après 3 années de croissance continue, la fréquentation touristique enregistre une légère baisse en 2018 (-0,3 %, soit 353 touristes de moins). Néanmoins, les efforts de valorisation de la destination se sont poursuivis, principalement en direction de la Chine, avec l’accueil de 2 charters devant permettre de commencer à développer un marché de niche sur une population de près de 100 millions de touristes par an. En parallèle, le tourisme de croisière continue de reculer : 456 030 croisiéristes ont été accueillis en 2018, soit 48 840 croisiéristes de moins qu’en 2017 (-9,7 %).
Un secteur bancaire local dynamique
L’économie calédonienne profite d’un secteur bancaire local dynamique, qui affiche une croissance importante de sa production en 2018.
L’encours des actifs financiers détenus par les agents économiques calédoniens dans les établissements de crédit installés localement atteint 807 milliards de F CFP en 2018. La collecte nette d’épargne recule sensiblement, à 4,6 milliards de F CFP sur l’année (contre 13,9 milliards de F CFP en 2017 et 16,7 milliards de F CFP en 2016). En revanche, l’encours des placements hors zone d’émission (contrats d’assurance-vie essentiellement, mais aussi livret A) progresse à un rythme plus soutenu (+10,9 % en 2018 après +1,7 % en 2017) et atteint 203,8 milliards de F CFP (soit 25 % de l’encours collecté localement). Les dépôts collectés localement ne couvrent structurellement pas les octrois de crédits, et le solde des dépôts locaux / encours bancaires se dégrade (-40 milliards de F CFP), portant le déficit de place à un niveau record de 164,4 de milliards F CFP.
L’encours brut total des crédits consentis à l’économie calédonienne atteint un niveau record de 1 203,9 milliards de F CFP soit une progression de 2,7 % en 2018 par rapport à fin 2017. Les établissements de crédit locaux y contribuent à hauteur des deux tiers et tirent 14 dorénavant la tendance globale. L’encours sain des crédits aux entreprises progresse légèrement (+1,3 % par rapport à 2017), soutenu par la bonne tenue des crédits à l’habitat (+4,3 %) et des crédits de trésorerie (+7,9 %), mais freiné par le recul significatif de l’investissement des entreprises (-2,5 %). Parallèlement, les crédits aux ménages continuent d’augmenter à un rythme soutenu (+4,5 %, après +4,3 % en 2017). Le financement des collectivités locales est moins dynamique en 2018 que les années précédentes, mais progresse encore de +6,4 % (contre +20 % en moyenne sur la période 2014-2018).
La qualité du portefeuille des établissements de crédit se dégrade, marquée par une hausse de l’encours des créances douteuses brutes (+18,3 % sur un an). Cette hausse s’explique par le classement en douteux provisoire, de certains gros investissements. Cette progression, plus rapide que celle de l’encours brut total (+2,7 %), induit techniquement une hausse du taux de créances douteuses, qui s’établit à 3,2 % fin décembre 2018 (contre 2,8 % fin décembre 2017), soit un taux relativement faible.
Dans un contexte de taux bas, le produit net bancaire cumulé des quatre banques de la place recule (-1,2 %), en raison de la baisse des commissions (-1,9 %) et des intérêts nets perçus (-1,8 %). En parallèle, les frais généraux continuent de progresser (+1,4 % après +2,9 % en 2017). À 53,8 %, le coefficient d’exploitation se dégrade de nouveau (+1,5 points sur un an et +3,7 points sur 3 ans) mais reste maitrisé. Impacté par cet effet ciseau significatif, le résultat net consolidé des quatre banques locales chute (- 12,9 % soit -1,1 milliard de F CFP) et s’établit à 7,1 milliards de F CFP, soit son plus bas niveau depuis 2009.